Alem Surre Garcia, écrivain, poète, dramaturge, librettiste, essayiste et conférencier, nous propose une magnifique traduction en français d’un des très grands romans de Jean Boudou (Joan Bodon), Lo Libre dels grands jorns.
Il se sait atteint d’un cancer, il a fui son monde familier, il arrive par hasard à Clermont-Ferrand... Pourquoi ne pas y passer ses derniers jours ?
Traduit en français.
La version originale, Lo Libre dels grands jorns, en occitan est disponible dans ce site chez IEO Edicions.
Le livre a également été traduit en espagnol et en catalan chez Club editor https://clubeditor.cat/search/Bodon/
Traduit en français.
La version originale, Lo Libre dels grands jorns, en occitan est disponible dans ce site chez IEO Edicions.
Le livre a également été traduit en espagnol et en catalan chez Club editor https://clubeditor.cat/search/Bodon/
Traduccion francesa de Lo libre dels grands jorns
Lo libre es disponible en castelhan e en catalan en çò de Club editor, https://clubeditor.cat/search/Bodon/
Lo libre es disponible en castelhan e en catalan en çò de Club editor, https://clubeditor.cat/search/Bodon/
Pourquoi suis-je descendu à Clermont ? C’est à Paris que je voulais aller. Mais j’en avais assez de me tenir debout dans le train. Depuis Béziers contre la vitre. J’étais éreinté. Et il allait être minuit.
Clermont-Ferrand, Clermont d’Auvergne. Là ou ailleurs. C’était de toute manière assez loin de chez moi. Personne ne me chercherait ici.
Donc je sortis de la gare. Ni bagages ni linge. Rien que moi et quelque argent. À Montpellier, au Crédit Agricole, on ne voulait pas honorer mon chèque. Pourtant je l’avais signé correctement. Mais on téléphona à ma caisse régionale qui donna de bonnes références. Maintenant je l’avais mon argent. Juste ce qu’il me fallait.
Ville inconnue. Clermont. Pour la première fois de ma vie… Non, pour toute ma vie…
Comme devant toutes les gares, une place. Je traversai la place et la rue. J’allais vers la lumière. Vertes et rouges en lettres grosses, hôtellerie et bar : « Mirabeau ».
« Mirabeau » ou « Mirabèl » dans notre langue. Notre langue ou simplement ma langue : langue d’Oc.
« Mirabeau ». Voilà ce qu’il me fallait, apparemment. La musique d’un juke-box. Les épaules nues des filles. Des rires. À chaque table des embrassades. Je m’assis.
La serveuse était déjà là d’ailleurs : « Que désirez-vous ? me demandait-elle.
- Comme les autres ! répondis-je.
Une eau rose dans les verres, dans tous. Mais ce n’était pas de l’eau. Du vin d’Auvergne au goût de pierre et d’écorce amère : le vin de Corent. À la première gorgée je fronçai les lèvres, ma langue se froissa… Mais pourtant je vidai mon verre et j’en commandai un autre et encore d’autres. Ce vin était comme une sève brumeuse de vigne sauvage. Ce vin serait le mien…
Une heure ainsi à boire, superbement. Le juke-box moulinait toujours sa musique…
Parfois la porte d’une arrière-salle s’ouvrait. Pourquoi tant de rires dans cette arrière-salle ? Je n’y entrerai pas. Personne ne me dirait le mot. De ces filles aux épaules nues il n’y en avait pas une pour moi ?
C’est pourtant une fille que je cherchais pour te connaître, Clermont. Le terroir se connaît au vin mais c’est à la fille que se connaît la ville…
Je payai et je sortis. Les filles, d’habitude, se tiennent alentour des gares ou des cathédrales. Donc j’allai par les rues. Ainsi j’arrivai devant le monument aux morts de la guerre de quatorze. Tout seul encore, tout seul. Un soldat de pierre me dévisageait. Verdun, la Marne… Loin là-haut têtes des morts éparpillées sur le champs des batailles. Mais ici pas même une fille pour moi…
[...]
Clermont-Ferrand, Clermont d’Auvergne. Là ou ailleurs. C’était de toute manière assez loin de chez moi. Personne ne me chercherait ici.
Donc je sortis de la gare. Ni bagages ni linge. Rien que moi et quelque argent. À Montpellier, au Crédit Agricole, on ne voulait pas honorer mon chèque. Pourtant je l’avais signé correctement. Mais on téléphona à ma caisse régionale qui donna de bonnes références. Maintenant je l’avais mon argent. Juste ce qu’il me fallait.
Ville inconnue. Clermont. Pour la première fois de ma vie… Non, pour toute ma vie…
Comme devant toutes les gares, une place. Je traversai la place et la rue. J’allais vers la lumière. Vertes et rouges en lettres grosses, hôtellerie et bar : « Mirabeau ».
« Mirabeau » ou « Mirabèl » dans notre langue. Notre langue ou simplement ma langue : langue d’Oc.
« Mirabeau ». Voilà ce qu’il me fallait, apparemment. La musique d’un juke-box. Les épaules nues des filles. Des rires. À chaque table des embrassades. Je m’assis.
La serveuse était déjà là d’ailleurs : « Que désirez-vous ? me demandait-elle.
- Comme les autres ! répondis-je.
Une eau rose dans les verres, dans tous. Mais ce n’était pas de l’eau. Du vin d’Auvergne au goût de pierre et d’écorce amère : le vin de Corent. À la première gorgée je fronçai les lèvres, ma langue se froissa… Mais pourtant je vidai mon verre et j’en commandai un autre et encore d’autres. Ce vin était comme une sève brumeuse de vigne sauvage. Ce vin serait le mien…
Une heure ainsi à boire, superbement. Le juke-box moulinait toujours sa musique…
Parfois la porte d’une arrière-salle s’ouvrait. Pourquoi tant de rires dans cette arrière-salle ? Je n’y entrerai pas. Personne ne me dirait le mot. De ces filles aux épaules nues il n’y en avait pas une pour moi ?
C’est pourtant une fille que je cherchais pour te connaître, Clermont. Le terroir se connaît au vin mais c’est à la fille que se connaît la ville…
Je payai et je sortis. Les filles, d’habitude, se tiennent alentour des gares ou des cathédrales. Donc j’allai par les rues. Ainsi j’arrivai devant le monument aux morts de la guerre de quatorze. Tout seul encore, tout seul. Un soldat de pierre me dévisageait. Verdun, la Marne… Loin là-haut têtes des morts éparpillées sur le champs des batailles. Mais ici pas même une fille pour moi…
[...]